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Cours de russe et de yiddish

Initiation à la langue d'Odessa, un " jargon " spontané

          On dit de la Moldavanka – repaire de bandits et d’officines de contrebande – qu’elle est aussi le berceau de la langue odessite. Le parler d’Odessa, mélange de russe, d’ukrainien et de yiddish, vient précisément de la Moldavanka. Il serait même considéré comme un de ses mythes les plus savoureux.

           Peut-on imaginer qu’à l’instar de toute autre ville portuaire – lieu privilégié et idéal pour importer, combiner et pratiquer le mélange des genres – Odessa ait pu échapper à ce phénomène ? La venue d’hommes et de femmes des quatre coins du monde chargés de bagages culturels aux contenus hétéroclites ont largement contribué à façonner de nouveaux modèles odessites dans de nombreux domaines. Il suffit pour le constater de lire les vers de Pouchkine qui, dès les premières années d’existence de la ville d’Odessa, mettent en valeur son caractère cosmopolite et polyglotte.

             Si l’on s’en tient strictement aux statistiques, le premier recensement officiel de 1897 révèle que, près d’un siècle plus tard, on y pratique cinquante-trois langues et quinze religions différentes. Les langues parlées sont par ordre d’importance numérique : le russe, le yiddish, l’ukrainien, le polonais et l’allemand, le grec, le tatar, l’arménien, le français, le biélorusse. Rappelons qu’à cette période, les Russes constituent près de la moitié de la population, suivis des Juifs (34,4 %) et des Ukrainiens (plus de 5 %), la part restante étant constituée d’ethnies très nombreuses.

           L’«Odessite » possède ses propres lois et coutumes. Pourquoi n’aurait-il pas sa propre langue ? Si Odessa n’a pas le monopole de cette fantaisie, cette dernière n’en demeure pas moins rare. On peut trouver aujourd’hui sur les étagères des bibliothèques spécialisées un dictionnaire d’un peu moins de deux cents pages écrit en langue russe et publié à Odessa, qui répertorie tous les mots et expressions typiquement odessites, environ 2 000. S’il est modeste par sa taille, cet ouvrage – un projet de Boris A. Eïdelman qui a étudié l’histoire et les singularités d’Odessa sous des angles très variés – offre néanmoins l’intérêt de mettre en relief les apports des différentes langues couramment pratiquées dans la ville et qui ont participé en se « contaminant » à l’élaboration de son « patois » tant sur le plan de la syntaxe, du lexique que de la phraséologie.

           Ce petit dictionnaire a été conçu dans le but de donner au lecteur matière à réflexion sur la personnalité de la ville et ses traits de caractère les plus saillants mais surtout, précise l’éditeur, de le faire sourire. De conclure, qu’il n’existe pas, à proprement parler, une « langue pittoresque et colorée d’Odessa », mais davantage un humour qui, fait plutôt inattendu, s’est installé et a pris corps dans cette science qu’on appelle la linguistique.

« Oui » avec l’intonation odessite revient plutôt à signifier « non » :

Izya, vous jouez du violon ?

Non.

Et votre frère Benia ?

Oui !

Quoi « oui » ?

Non plus.

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