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Les Pionniers juifs d'Odessa

          Entre 1794 et 1897, c’est-à-dire en un siècle,  la population juive d’Odessa passe de 246 à 138 935 habitants, soit environ 35 % de la population totale. Cette augmentation phénoménale est le résultat d’une immigration importante en provenance des shtetlekh surpeuplés de Pologne, d’Ukraine et de Biélorussie. Ces migrants, aux aspirations multiples, pour la plupart des sujets de l’Empire russe, ont pour point commun de fuir l’indigence quotidienne, les persécutions et les lois discriminatoires qui sévissent dans la Zone de résidence instaurée par Catherine II.

            Il est évident que l’esprit de tolérance qui prévaut dans la cité favorise grandement l’afflux d’immigrés de l’intérieur. Les Juifs considèrent Odessa comme un monde à part avantageusement placé pour le commerce, libre surtout, qui offre la possibilité de gagner sa vie et de prendre un nouveau départ. Ces raisons sont suffisantes pour les convaincre et les inciter à rejoindre le sud de l’Empire avant même que la ville ne s’appelle officiellement « Odessa ». En 1795, selon un recensement effectué par José de Ribas, 246 Juifs – 150 personnes de sexe masculin et 96 de sexe féminin – habitent Odessa, soit 10,4 % de la population totale. Le plus âgé, Nakhman Mochkovitch (Nakhman, fils de Moche), a 80 ans.

            Mais d’où viennent-ils précisément ?

            La plupart des migrants naissent dans des bourgades juives de l’Empire russe et reçoivent une éducation fidèle à la tradition. Odessa devient l’« Etoile de l’exil » selon la formule d’Isaac Babel.

 

            Pour ne citer que certains noms devenus légendaires par leurs actes ou leurs œuvres, prenons l’exemple de Simon Meyrovitch Doubnov (1860-1941), l’un des grands historiens du judaïsme et principal théoricien du nationalisme culturel qui est né en Biélorussie dans la petite bourgade de Mstislavl, province de Moguilev, non loin de Smolensk, à l’est de la Zone de résidence. Il reçoit une éducation  traditionnelle juive, fréquente le heder, la yeshiva et s’initie à la Bible et au Talmud mais il part à l’âge de trente ans pour Odessa, refuge dont il a besoin – un havre de paix assorti d’un environnement intellectuel riche – pour se consacrer à l’écriture et élaborer sa méthode historiographique et ses théories politiques.

            Quant à Asher Tsvi Ginsberg (1856-1927) – plus connu sous son nom de plume Ahad ha-Am – écrivain, essayiste, et théoricien du sionisme, il est né à Skvira, près de Kiev. Il reçoit également une éducation religieuse juive traditionnelle et s’installe à Odessa en 1884, à peu près au même âge que Simon Doubnov, et devient membre de l’organisation d’inspiration sioniste « Les Amants de Sion ».

            Le poète, nouvelliste, essayiste, éditeur, traducteur, Haïm Nahman Bialik (1873-1934) – figure de proue de la littérature hébraïque moderne et artisan de sa renaissance – qui, élevé dans l’orthodoxie par son grand-père à Jitomir en Ukraine mais s’y sentant confiné, tourne le dos à sa bourgade et élit domicile à Odessa en 1891 pour retrouver son mentor Ahad ha-Am.

   

          Il est parfois possible d’identifier l’origine des migrants juifs des premières heures de la cité et de dessiner la carte de leurs pérégrinations par leur simple nom d’usage. L’exemple d’Avel, fils de Gersh résidant à Moguilev. En 1808, cet homme se fait enregistrer à Odessa sur la liste des marchands sous le nom d’Avel Gershkovitch, mais en 1816, son nom de famille se transforme en Moguilevsky.

 

           Ainsi une personne qui s’appelle Brodsky est, en général, originaire de la ville de Brody ; un Nemirovsky de la bourgade de Nemirov ; un Jvanetsky, de Jvanets. On pourrait ainsi multiplier les exemples : Varchavsky (Varsovie), Oumansky (Ouman), Khersonsky (Kherson).

            Cette page « Les pionniers juifs d’Odessa » nous racontera ces histoires d’hommes et de femmes venus rejoindre la cité des bords de la mer Noire dans l’espoir de jours meilleurs…

Le Guide Culturel des Juifs d'Europe

 

À la fin des années 1990, une équipe de journalistes, d’historiens, d’amoureux de l’histoire juive, a entrepris, sous l’égide de la Fondation Jacques et Jacqueline Lévy-Willard, d’écrire un guide culturel qui conduirait le voyageur curieux à découvrir une Europe inconnue. Le Guide Culturel des Juifs d’Europe est paru en 2002 aux éditions du Seuil. En 2016, cet ouvrage, revu et augmenté, renaît sous la forme de ce site Internet.

Certains lieux sont célèbres et incontournables - tels le ghetto de Venise ou le vieux quartier juif de Prague-, mais les trésors d’une culture juive qui a marqué et marque encore l’Europe sont absents des sites Internet habituels. À chaque étape, vous pourrez désormais visiter virtuellement les synagogues de Provence ou les ruelles de petites villes de Roumanie ou d’Ukraine, retrouver la vie juive de jadis à Sarajevo, à Istanbul ou à Sofia, savoir qu’au coin d’une rue il y a souvent un musée, un temple, un cimetière, un souvenir, une anecdote.

JGuideEurope se divise en grandes aires géographiques européennes pour mieux raconter l’histoire de cette culture passée ou présente. Bien entendu, nous espérons que les visiteurs de ce site nous feront part de leurs remarques et contributions, pour rendre ce guide virtuel le plus complet et exhaustif possible.

Nous vous souhaitons une bonne visite !

Denis Lévy-Willard, Laura Schwartz et l’équipe éditoriale du Guide Culturel des Juifs d’Europe – JGuideEurope

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