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Odessa des cinéastes

           La production cinématographique d’Odessa débuta dans les premières années du XXe siècle. Dès cette époque dans la ville cosmopolite apparurent des ateliers de cinéma qui assez rapidement se transformeront en studios, avec une bonne infrastructure professionnelle. C’était une sorte de Hollywood au bord de la mer Noire avec une particularité inédite : l’existence des maisons de production Mirographe et Mizrakh, spécialisées dans des adaptations de la littérature yiddish, tournées vers la communauté locale, mais aussi vers la diaspora.

          Après la révolution d’octobre et l’installation du pouvoir bolchévique, Odessa est restée un important centre de l’industrie cinématographique grâce aux studios, érigés sur le Frantsouzkij boulvar où furent tournées des chefs-d’œuvre, encore muets de metteurs en scène ukrainiens comme Alexandre Dovjenko ou Marc Donskoï, né à Odessa en 1901. Dans les années 1920-1930 malgré les restrictions imposées aux films soviétiques, la production cinématographique d’Odessa arrivait en France dans le circuit commercial et surtout dans des cinémas d’art et d’essais. Le cinéma odessite fut intimement lié au thème de la mer. Parallèlement grâce à son architecture « occidentale », la ville servit comme décors pour des films historiques, d’aventure, d’espionnage … Evidemment il faut mentionner le mythique et le monumental escalier, immortalisé par Sergueï Eisenstein dans son film Le Cuirassé Potemkine de 1926.

          Pour introduire cette nouvelle rubrique, consacrée au cinéma d’Odessa et du Yiddishland, nous vous proposons un article, dédié au metteur en scène polonais Alexander Ford, qui avait un lien direct avec l’Ukraine, car il est né à Kiev.

          Mais Odessa n’est jamais très loin et dans ce texte est mentionné le cinéaste Roman Karmen, un autre natif d’Odessa et qui est considéré comme un grand documentariste du XXe siècle. 

 

Ada Shlaen   

Aleksander Ford, Genèse d’un cinéaste

aleksander ford

Qu’il est difficile d’être juif !

Si nous essayons de nous représenter la situation des Juifs sur les terres polonaises à la veille de la première guerre mondiale, nous ne pouvons que constater les conditions bien difficiles de leur existence. Ils vivaient dans un pays qui pouvait sembler fantomatique, car depuis la fin du XVIIIe siècle il avait cessé d’exister sur les cartes du monde. Entre 1772 et 1795, l’Autriche, la Prusse et la Russie, avaient procédé aux trois partages successifs, en annexant les territoires avec des populations qui y habitaient.

La plus grande partie de la nombreuse communauté juive s’était retrouvée sous l’autorité des monarques de l’Empire russe, en perdant même les droits qu’ils avaient dans le royaume de Pologne. La situation ne s’était guère améliorée après 1918, lorsque la Pologne retrouva son indépendance. La population juive, très pauvre dans son ensemble, souffrait de l’antisémitisme largement répandu dans toutes les couches de la société, où même leurs noms de famille, souvent ridiculisés, semblaient être un obstacle dans la vie courante.

Pourtant au sein de la minorité qui avoisinait 3 millions et demi de personnes, il y avait des gens qui réussissaient à briser le « plafond de verre » présent à toutes les époques et dans tous les pays. L’utilisation de noms slaves pouvait faciliter l’intégration dans la société environnante. Voyons quelques exemples concrets des artistes juifs qui changèrent leurs noms de naissance, pour améliorer les chances de réussite ! Les cas les plus simples et les plus nombreux consistaient en une adoption des noms avec des suffixes – ski ou – cki, les plus répandus dans le pays. Certains allaient encore plus loin, en se convertissant au catholicisme. Ainsi Moyshe Waks devint Michał Waszyński, un metteur en scène de cinéma très prolixe, qui réalisa une quarantaine de films dans les années 1930, en général des comédies et des mélodrames, ce qui correspondait au quart de la production nationale ! Bien aimé du public et plutôt méprisé des critiques, il tourna pourtant en 1937 le fameux Dibbouk, considéré encore aujourd’hui comme le plus beau film en yiddish, tourné avant la seconde guerre mondiale.

Les cousins Lesman, les poètes Bolesław Leśmian et Jan Brzechwafurent plus inventifs et suivirent une démarche bien plus sophistiquée ! Le premier introduisit dans son nom quelques minimes modifications en utilisant les particularités de l’orthographe polonaise riche en petits signes diacritiques qui changent non seulement la graphie et la prononciation des mots, mais soulignent aussi leur polonité. Le pseudonyme de son parent Jan Wiktor est absolument imprononçable pour des étrangers ! Mais il ne s’agit pas d’un alignement hasardeux des consonnes chuintantes et gutturales, il a une signification bien précise, car il désigne l’empennage, c’est-à-dire les plumes à l’extrémité d’une flèche qui lui assurent la stabilité

Le texte complet d'Ada Shlaen est consultable sur M@batim: partie 1 , partie 2

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