« Depuis le Premier Partage, en 1772, la Monarchie des Habsbourg, qui avait mis la main sur la Galicie, avait pour souci d’éviter qu’aux oppositions entre Ordres d’Ancien Régime ne se substituent des affrontements entre les membres des différents groupes ethnico-religieux : les Polonais-catholiques, les Ruthènes-uniates ou orthodoxes, les juifs et quelques Arméniens.
Pourtant, l’antisémitisme politique est apparu en Galicie sous les effets conjugués des décrets d’égalité des droits de 1867 et du krach boursier de 1873. Progressivement, ce courant qui puisait dans l’idéologie allemande et dans la pratique sociale russe, est devenu l’une des composantes du nationalisme polonais. Le mouvement s’est radicalisé en passant des idées de Teofil Merunowicz, qui réclamait seulement la moralisation des juifs, au courant populiste social-chrétien qui voulait les parquer dans le ghetto par la violence. Ce n’était alors plus une solution que recherchaient les antisémites mais l’assouvissement de sentiments haineux. S’ils avaient cherché des issues, ils auraient croisé le chemin de l’intelligentsia juive qui, des assimilateurs, sionistes, bundistes et socialistes, dénonçaient depuis les années 60 du XIXe siècle, le ghetto, à la fois prison et refuge, et réclamaient l’amélioration de la condition matérielle et morale des juifs. Les antisémites galiciens ne faisaient donc pas d’effort pour trouver une solution au bénéfice de la nation polonaise mais développaient seulement une activité de démagogues avides de pouvoir. Il est vrai que, de leur côté, trop faibles pour réformer le judaïsme, les modernisateurs, souvent séduits par le socialisme, le quittaient abandonnant derrière eux le shtetl à ses turpitudes et à ses ennemis. »
Les Amis d’Odessa s’intéressent tout particulièrement à la Galicie car ce sont des Juifs de Brody – communément appelés à Odessa les « Galiciens » (Galitsianer en yiddish, Juif de Galicie) –, environ trois cents familles de marchands, qui s’installent à Odessa dans les années 1820-1830. Devinant le potentiel commercial de la ville, de son port et plus globalement de la région, elles vont jusqu’à adopter la citoyenneté russe, transférer leurs affaires et devenir des citoyens de la ville. A Odessa, les Galitsianer sont des compétiteurs de premier ordre dans la course aux performances économiques. Ils sont surtout présents et jouent un rôle considérable sur le marché des céréales, remportant d’incontestables succès.
Daniel Tollet est ingénieur de recherches honoraire de l’Université de Paris-Sorbonne. Il a été président de la Société des études juives et est actuellement directeur des collections « Bibliothèque d’études juives », « Bibliothèque d’études de l’Europe centrale » et « Bibliothèque des religions du monde » aux Éditions Honoré Champion (Paris).
Ses travaux d’historien sont consacrés à l’Histoire de la Pologne, à l’Histoire des juifs en Pologne et aux relations entre les religions au sein de la Confédération polono-lituanienne.
La rencontre aura lieu le jeudi 23 mai 2024 à 19h45 dans la synagogue NIOM, située au 5 rue Sainte-Anastase 75003 Paris (escalier au fond de la cour, 1er étage) et sera suivie d’un verre amical autour de notre invité.
Une participation de 9 euros vous sera demandée (si vous réglez par chèque ou en espèces le règlement sera à effectuer le jour de la rencontre).
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